DUP comment réagir ?

, par udfo36

Des arguments pour dissuader l’employeur de mettre en place la nouvelle DUP

Dans la foulée de la loi Macron, la loi Rebsamen a été votée en août 2015 sans rencontrer d’opposition majeure. Quelques mois après sa mise en vigueur, les salariés et leurs représentants découvrent son contenu concret et ses effets négatifs, en particulier pour ce qui concerne la DUP (délégation unique du personnel). Rappelons que cette DUP peut être mise en place dans les entreprises de moins de 300 salariés et qu’elle regroupe CE, DP et CHSCT au sein d’une seule instance, comme le résume le schéma suivant :

Cette nouvelle DUP est problématique :
 Elle raréfie le nombre de réunions obligatoires : 6 par an, contre auparavant 28 ou 22 pour des instances séparées, selon la taille de l’entreprise ;
 Elle réduit considérablement le nombre de représentants du personnel, comme le montre notre tableau ci-dessous, handicap d’autant plus lourd que la pertinence de l’intervention d’une IRP tient en premier lieu à la richesse de sa réflexion collective et donc au nombre de ses « têtes pensantes ».

Renvoyer l’employeur à son obligation de sécurité. Heureusement, les représentants du personnel ne sont pas démunis pour contester la DUP. Mettre en place une DUP est en effet une faculté offerte à l’employeur, et non une obligation. Elle engage donc sa responsabilité, au titre de son obligation de protection de la santé des travailleurs.

Lorsque l’établissement est régulièrement confronté à des risques ou accidents graves (y compris en termes de risques psychosociaux), les élus dénonceront la réduction des moyens dévolus au CHSCT, inhérente à la constitution d’une DUP, et l’impact défavorable qui en résultera pour la prévention des risques.

Ils le feront par le vote d’une motion : elle constituera un élément à charge si la responsabilité de la direction est mise en cause à l’occasion d’un accident.

Plus tard, ce vote sera renouvelé pour tout accident grave illustrant la nécessité d’un retour à un CHSCT distinct.

Exemple de motion votée pour s’opposer à l’instauration d’une DUP
« Les élus constatent que l’entreprise est régulièrement confrontée à :
• Des accidents du travail graves [se référer aux documents disponibles].
• Des incidents répétés [à préciser : crises de larmes, dépressions, violences verbales, tentatives de suicide, etc.] révélant la présence de RPS dans plusieurs services [à préciser].
• Une augmentation des arrêts-maladies, notamment due à des surmenages et des débordements d’horaires [à préciser].

Dans ce contexte, ils rappellent que la DUP n’est pas une obligation, mais une faculté offerte à l’employeur, et que ce choix engage sa responsabilité au regard de son obligation de protection de la santé des travailleurs.

Ils exigent en conséquence que la direction renonce à la mise en place d’une DUP [ou réinstaure des instances séparées], pour que le CHSCT retrouve tous ses moyens antérieurs et puisse exercer au mieux ses missions dans l’intérêt de la préservation de la santé professionnelle.

À toutes fins utiles, ils précisent que la présente motion sera envoyée, pour information, au médecin et à l’inspecteur du travail, ainsi qu’à la CARSAT. »

Bien sûr, les élus n’ont pas le dernier mot et l’employeur pourra passer outre cette motion et décider de mettre en place la nouvelle DUP. Mais cette motion peut néanmoins faire réfléchir l’employeur sur l’intérêt réel de regrouper les instances.

DUP par accord à partir de 300 salariés : aux élus minoritaires d’agir
Pour ce qui concerne les entreprises d’au moins 300 salariés, le personnel n’a rien à attendre de positif des regroupements par accord collectif prévus aux articles L2391-1 à L2391-4 du Code du travail. Ces accords seront inévitablement le résultat d’un chantage à l’emploi, appelant à des concessions sous prétexte de gagner en compétitivité. A cet égard, les décrets d’application de la loi Rebsamen sont révélateurs : ils définissent des seuils minimaux extrêmement faibles, tant pour le nombre d’élus que pour le crédit d’heures (article R2391-3 du code du travail).
Pour que chacun prenne ses responsabilités, en toute transparence, les élus minoritaires auront intérêt à prendre date en soumettant au vote une motion similaire à la précédente, de façon à ce que les impératifs de santé au travail ne soient pas évacués des débats...

En conclusion, la volonté du Medef de réduire le coût des IRP et d’affaiblir le contre-pouvoir qu’elles représentent est surprenante : elle vulnérabilise les chefs d’entreprise qui peuvent se voir accuser devant les tribunaux de ne pas mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à la protection des travailleurs.
De surcroît, plus que jamais, les employeurs ont besoin des représentants du personnel pour connaître le travail réel.
En effet, leurs pratiques managériales les éloignent de plus en plus des réalités du terrain, ainsi qu’en atteste la commande par la SNCF de trains trop larges pour entrer dans les gares, avec pour conséquence 1300 quais à rectifier (*).
Les dirigeants enclins à ne voir dans le dialogue social qu’un coût encombrant auraient intérêt à méditer sur cette aberration car, malheureusement, elle est loin de constituer une exception...
(*) Information révélée par le Canard enchaîné dans son édition du 21 mai 2014.

Olivier Sévéon
Olivier Sévéon est expert des CHSCT et CE depuis 1983 et forme aussi les élus de ces instances à l’exercice de leurs mandats.