article de J. Aubert Projet de loi Travail

, par udfo36

Il fallait oser le faire !


A peine les lois Macron 1 et Rebsamen digérées, que voilà le plat de résistance avec le projet de loi El Khomri, dont l’intitulé ne manque pas d’humour

"Instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs"

Les mots ont-ils encore un sens !
A vous de juger si la flexibilité imposée aux salariés et l’assouplissement des règles de licenciement économique constituent, selon la Ministre "un progrès social dans la continuité des grandes conquêtes sociales de notre pays..." ou selon l’Humanité de ce jour "de nouveaux tacherons du 21ème siècle". Voilà en quelques points essentiels le projet de loi qui sera présenté en Conseil des Ministres le 9 mars 2016.

 1. Simplification du Code du Travail : le texte pose les bases de la simplification du Code du Travail qui devra être réécrit dans les deux ans. L’objectif de cette simplification est rappelé : "donner une place centrale à la négociation collective". De même, les propositions de la commission Badinter sont repris intégralement, notamment que le bon fonctionnement de l’entreprise sera de même niveau que les droits fondamentaux des salariés.
Ce qu’il faut comprendre : c’est que des accords d’entreprise pourront déroger aux Conventions Collectives et s’imposeront aux salariés. Le "bon fonctionnement de l’entreprise" justifiera les limitations aux droits fondamentaux des salariés.

 2. Temps de travail : assouplissement des seuils de durée maximale de travail et de repos imposés au niveau européen. Les motifs pour passer de 10 h à 12 h de durée quotidienne sont élargis "pour activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise", par accord d’entreprise ou de branche et par défaut par autorisation de l’autorité administrative. Idem pour dépasser les 44 heures en moyenne sur 16 semaines. Le temps de repos minimum de 11 h pourra être réduit sans passer par un accord (en attente d’un décret). Un accord d’entreprise pourra aller jusqu’à 48 h par semaine (et pour aller à 60 h par semaine il faudra l’autorisation de l’autorité administrative. Ces nouvelles durées vont impacter les salariés au forfait jour qui n’auront pas leur mot à dire (l’employeur est exonéré de faire valider les nouveaux horaires pour les salariés concernés. Pour les entreprises de moins de 50 salariés : possibilité de conclure des forfaits jours individuels avec un plafond de 235 jours (soit 14 jours supplémentaires que les 35 h actuellement). Le temps de travail pourra être "modulé" sur 3 ans avec accord d’entreprise et sur 16 semaines sans accord par simple décision de l’employeur.
Ce qu’il faut comprendre : les 35 heures deviennent théoriques et vont appartenir au passé. L’employeur pourra éviter de payer les heures supplémentaires lorsque le temps de travail dépasse les 35 h sur plusieurs semaines.

 3. Heures supplémentaires : assouplissement du taux actuel des 25% de majoration. Un accord d’entreprise pourra fixer un taux inférieur à 25% ou à celui défini par la branche, avec un plancher de 10%. Egalement, élargissement de la période de référence pour le décompte des heures supplémentaires qui pourra être portée jusqu’à 3 ans par accord collectif. Il est précisé "L’aménagement du temps de travail par accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail".
Ce qu’il faut comprendre : il n’y aura plus besoin de faire signer un avenant au salarié (ce qui est obligatoire actuellement).

 4. Révision de la négociation collective avec recours au référendum : tout accord devra être majoritaire. Si la condition de majorité n’est pas satisfaite, les syndicats minoritaires pourront demander l’organisation d’un référendum.
Ce qu’il faut comprendre : les référendums aideront les employeurs à contourner la discussion syndicale et à utiliser le chantage à l’emploi pour obtenir l’accord des salariés (voir exemple récents FNAC et SMART).

 5. Elargissement de la définition du licenciement économique : l’entreprise peut invoquer "une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de l’entreprise", ce qui sous-entend un champ très large de situations. Puis le texte précise les arguments que peuvent avancer les employeurs : une baisse de commandes, de chiffre d’affaires ou de pertes d’exploitation. Le nombre de trimestre de baisse de chiffre d’affaires ou de commandes peut être défini par accord de branche et à défaut le texte prévoit 4 trimestres consécutifs.
A ce jour, pour un groupe, des licenciements économiques pour une filiale en France si les autres filiales à l’étranger sont en bonne santé ne sont pas justifiés. Ce ne sera plus le cas avec le projet de loi.
Ce qu’il faut comprendre : Le projet de loi renforce la possibilité à des groupes de licencier plus facilement en France, pour une de ses activités qui serait en difficulté, même si les autres activités sont florissantes.

 6. Plafonnement des indemnités prud’homales : de 2 mois à 15 mois maximum selon l’ancienneté.
Ce qu’il faut comprendre : Pour un salarié de 2 à 5 ans d’ancienneté, le plafond est fixé à 6 mois, alors que la moyenne aujourd’hui prononcée par les juges est de 7,7 mois. Le plafond de 15 mois, très avantageux pour l’employeur, devrait avoir un effet de faire baisser les indemnités négociées en cas de rupture conventionnelles ou transactionnelles.

Nous ne parlons pas du CPA (Compte Personnel d’Activité) qui est envisagé mais qui ne crée pas de droits supplémentaires pour les salariés, ni des deux heures supplémentaires de délégation pour les DS qui apparaissent bien futiles.

Le projet de loi dans son intégralité.

Projet Loi